Un repas automnal entre amis

Beaucoup trop pris ces derniers temps, j'ai mis ce blog en sommeil... Avec de gros projets viticoles en préparation pour les mois à venir (ça se précise...), je ré-activerai cet espace, si le temps me le permet, pour vous faire part de ces expériences.

D'ici là, je reviens partager ici la mémoire d'un beau repas d'automne entre amis. On est à Ventabren en Provence, fin octobre. Les journées sont belles mais la lumière a changé de tonalité, commençant à prendre des accents orangés. On met le pull. J'ai descendu de ma Haute-Loire un plein panier de cèpes cueillis de la veille. Un beau filet de limousine recouvert d'un épais édredon de duxelles et de pâte feuilletée. Des pommes de terres sautées, et trois belles bouteilles... 





Christian Venier - La Pierre aux Chiens 2020

J'aime beaucoup le travail de ce vigneron. Les vins sont toujours droits, précis et en même temps très gourmands. Cette cuvée est ma préférée. C'est un vin en appellation Cheverny (j'ai cependant un doute sur le fait qu'il possède l'AOP). Un 100% pinot noir de Loire, pas le cépage que je bois le plus dans cette région. C'est Luc qui a remonté ça de sa cave. On le boit en grignotant quelques tartines et un peu de charcuterie à l'apéro, avant de passer à table. 

Très belle robe sur la cerise bien mûre, rubis assez foncée pour un pinot noir. 

Le nez est harmonieux, fruité et frais tout étant complexe et profond. On y trouve le noyau de cerise, la réglisse, quelques notes délicatement boisées et une touche de poivre noir. L'aération finira par libérer quelques effluves florales sur la rose séchée. C'est très beau et étonnamment complexe et évoluée pour un pinot si jeune. 

La bouche prolonge l'impression du nez avec un vin qui n'a aucun des marqueurs d'austérité de la jeunesse. Surtout avec ce cépage. Je craignais vraiment un vin serré et austère (je n'aurai pas osé l'ouvrir si tôt pour ma part), mais c'est tout le contraire, avec un vin gourmand, magnifiquement texturé. Il y a de la volupté, une sensation veloutée et du soyeux dans cette bouche parfaitement équilibrée. Là encore on retrouve de la complexité aromatique avec des arômes de cerise et de poivre implémentés d'un délicat élevage, présent, mais précis. C'est un vin mûr, excellent en l'état. 

Commentaire général: Excellent. Cette cuvée a mis quelques années à se préciser, mais disons que depuis le millésime 2018, à chaque fois que je la bois, je suis séduit. Un Cheverny qui pourrait provoquer quelques crises de jalousie à ses grands cousins bourguignons... Chaudement recommandé. 


Noté 16/20


Château Beau-Séjour Bécot 2002

On attaque le boeuf et les cèpes avec cette bouteille. 

La robe est grenat, encore bien sombre. Pas de surprise. 

Le nez est archétypique et ne trahit pas l'étiquette. C'est démonstratif, avec de la profondeur et toute la noblesse d'un élevage bordelais qui recherche l'épate. Aucune pointe de dénigrement dans ce commentaire, je suis public et j'aime ça. On a donc un nez porté sur les fruits noirs (mûre et cassis), la prune, un peu de vanille (mais ça reste très raisonnable). 

La bouche est ample, opulente, de gros volume. Très belle matière, suave, sculptée par des tanins mûrs et enrobés. Le cassis, la mûre et l'élevage dominent encore, et le vin parvient à garder une certaine fraîcheur en finale. L'association avec le gras du boeuf fonctionne à plein. Manque un peu de complexité pour bien valoriser les cèpes grillés, mais on peut pas tout avoir, et ça viendra avec le vin suivant...

Commentaire général: Excellent. A bien tenu son rang. Exactement là où on l'attendait, tel qu'on l'attendait. Il ne nous aura pas surpris, ni beaucoup ému, mais il nous a régalé. Et c'est déjà beaucoup. 


Noté 16/20



Château Leoville Las Cases 1960

Ce vin est servi à l'aveugle par Rémi. On a tous fini nos assiettes. Il est bu seul, pour lui-même. On est à l'aveugle, mais on sait tout de même qu'il s'agit d'une "vieille bouteille" déterrée de la cave de son père. Il y a donc 99% de chance qu'on soit à Bordeaux...

La robe est très évoluée, mais pas du tout diaphane. C'est un vin sombre qui présente des reflets acajou dans le disque. La robe donne l'impression que ce vin a encore beaucoup de choses à dire... 

J'en attendais peut-être pas autant (surtout que les premiers commentaires qui parviennent jusqu'à mes oreilles ne sont pas hyper enthousiastes, mais cela se révèlera être dû à l'effet de séquence derrière le Beau-Séjour), mais dès que je mets le nez au-dessus du vin, mon intérêt pour ce que je bois est soudainement décuplé. Ai-je bien senti la première fois? J'y reviens, encore et encore... Plus je mets le nez dans le verre, plus je suis convaincu qu'une telle complexité est le signe que je bois quelque chose de remarquable. C'est très ténébreux, avec une dominante de café (je ne sens presque que ça au départ) qui laisse petit à petit place à des notes plus fruitées, sur la confiture de cassis trop cuite. Je suis bluffé. On est soit sur un "petit" Bordeaux mais dans un très grand millésime (ce nez me rappelle quelques 1961 bus ces dernières années), soit tout simplement sur un très grand vin mais dans un millésime moins prestigieux. Je garde cette idée en tête quand je mets le vin à la bouche. 

La bouche est assez fraîche et élancée, voire légèrement tendue, ce qui contraste avec cette aromatique de "sous-sol", sur le café et le havane, perçue au nez. La matière est finement soyeuse, sensuelle et délicate. La fin de bouche présente une étonnante fraîcheur redonnant au vin une jeunesse qui semble pour le coup éternelle. On garde longuement en bouche une aromatique délicatement fruitée, avec de la framboise et quelques notes fumées. Ca me met pas totalement sur le cul, mais je suis quand même de nouveau bluffé. Il y a là un millésime mythique, ou un sacré pedigree. Forcément. J'opte pour la seconde option, quelques parentés avec un château Margaux 1970 bu l'année dernière me font partir sur un Margaux des années 60. C'est Leoville Las Cases 1960. Merci Rémi. Je savourerai la fin de bouteille lentement... très lentement... 


Commentaire généralRemarquable. Je n'aurai pas misé autant sur ce vin, croyant plus en la qualité des millésimes qu'au nom sur la bouteille. Mais cette bouteille bouscule ces certitudes. On est quand même ici en face d'un des millésimes parmi les 10 plus mauvais du siècle... C'est d'ailleurs la première fois que je bois un vin de ce millésime. Et pourtant le vin n'est en rien dilué, a merveilleusement traversé les années (le bouchon est dans un parfait état remarquable), et nous raconte encore une bien belle histoire...


Noté 16,5/20












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