De l'origine du "Bordeaux bashing"...

Ce que l'on appelle depuis quelques années déjà le "Bordeaux bashing" m'a toujours insupporté au plus haut point. Jeter aux ronces et aux orties cet immense terroir, cette longue expérience de vigneron acquise au fil de nombreuses saisons et millésimes, et nous offrant régulièrement des vins de grande émotion, d'une profondeur peut-être sans équivalent, nulle part ailleurs, m'a toujours paru de la plus pitoyable des inconséquences...

Si aujourd'hui je bois principalement des vins dits "naturels", la morgue et l'arrogance, semblable à la certitude de l'étudiant gauchiste d'être du côté du bon et du juste alors qu'il n'a jamais réussi à finir "La Phénomélogie de l'esprit" d'Hegel et qu'il n'a aucune expérience de la vie, des nouveaux adeptes de ces vins vivants, m'exaspère profondément. Enfin, soyons sérieux deux minutes... Qui peut affirmer froidement, en restant d'une honnêteté totale vis-à-vis de lui-même, qu'un Las Cases 86, un Margaux 82, un Poujeaux 75, un Jaugaret 90, un BAMA 70 (pour ne parler que de quelques unes de mes expériences personnelles), c'est de la "bullshit"?!?  Personne... Ceux qui le font, ce ne sont pas leurs émotions et leurs sensations qui s'expriment à travers eux (d'ailleurs en privé, quand on leur ouvre un Roteboeuf, ils opinent du chef et ne sont pas les derniers à se resservir - c'est du vécu), c'est leur crasse idéologie. Sans parler de l'atteinte que cela constitue à notre culture profonde... Car le grand vin de Bordeaux, c'est l'un des organes vitaux de la France culturelle. Mais ces idéologues là, sous couvert d'un soit disant retour à une certaine tradition, le "faire du vin comme avant", foulent en réalité au pied notre glorieux héritage vinicole, et la sueur de tous ceux qui y ont travaillé. Cet irrespect, chez la part de bobos libéraux-libertaires (quand je lis que le vin naturel est "féministe" et "anti-raciste" - si si, il y a des gens pour déblatérer des âneries pareilles - j'avale de travers mon verre de Château Le Puy), qui partiront bientôt travailler en terres anglo-saxonnes, ne fera pas du bien, j'en suis convaincu, au vin français. 

Bref, trêve de divagations (Michel Bettane, sors de ce corps!), je vais ici faire une petite concession, mais que je vais aussitôt faire l'effort de recontextualiser, à cette "mouvance", qui est l'équivalent au vin de ce que les vegans sont à la gastronomie...

Oui, en buvant ce Fronsac du Château Villars, j'ai compris ce qu'ils voulaient dire quand ils parlent de vins ennuyeux, formatés, stéréotypés, et sans émotion. 

  
Mais déjà, remettons tout de suite les choses à leur place: cette déconvenue n'est en rien l'apanage des vins de Bordeaux. Faites l'expérience: allez à la supérette du coin, achetez une bouteille de Saumur à 6 euros, et vous me direz si vous avez vécu de grandes émotions... Non, évidemment. Et pourtant, il n'y a pas de "Loire bashing"... Tout ça n'est que posture. 

Oui, ce Fronsac était pas bon. Il était représentatif de la caricature du mauvais Bordeaux: arômes vanillés de bois neuf, notes toastées qui sont aux arômes tertiaires ce qu'un steak hâché surgelé est à une grande pièce de boeuf, alcool omniprésent... Le tout dans une matière fluide, sans profondeur, d'une longueur d'une indigente insignifiante. Oui, c'est vrai, il n'y a pas de plaisir possible sur cette bouteille. 

Mais il y a beaucoup de grands Bordeaux. Des vins qui révèlent l'incroyable richesse de ce terroir exceptionnel. Des vins dont vous vous souviendrez toute votre vie... Suffit de sélectionner un peu vos achats. D'acheter moins, mais mieux, car il vous faudra sortir un petit billet, c'est certain. Mais on ne peut pas avoir du caviar impérial d'Iran au prix du tarama...

C'est sûr que si vous n'avez bu que des Bordeaux tels que celui-ci, vous ne devez pas être très friands de la chose... Mais le vin de Bordeaux, ce n'est pas ça. En tout cas pour moi, ce type de mésaventures sont extrêmement rares. 

A bon entendeur...


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