Un Bourgueil pas comme les autres...
Comme j'ai pu l'affirmer par ailleurs (ici par exemple), je ne suis pas un amateur des cabernets francs de la Loire. Des vins trop tendus, trop vifs, nerveux, acides... et dans un registre aromatique qui n'est pas mon préféré. La Loire rime donc pour moi avec Gamay, Grolleau, Pinot et Pineau d'Aunis... Mais pas avec cabernet franc. Certes, j'ai pu boire, au mieux, de "jolis" vins de Bourgueil, comme ceux de Catherine et Pierre Breton, mais sans être jamais convaincu.
En l'espace d'une semaine, je viens de vivre deux expériences qui ont transformé ma vision de ces vins. Je vais ici parler de la première de ces "claques", la plus grosse. Une de ces expériences inoubliables qui conduisent à réviser ce qu'on pensait savoir de nos goûts personnels, qui amènent à rebattre complètement les cartes du fragile château gustatif patiemment façonné pendant des années de dégustation...
La rime du titre de ce commentaire avec celui du précédent n'est pas qu'un simple effet de forme. Ces deux vins (ce Clos Nouveau donc et le Corbières de Dernacueillette) partagent en effet de nombreux points communs.
La robe est rubis profonde, intense, assez sombre. Les reflets du disque sont dans le même ton, on n'a pas ici les nuances magenta ou rose-violacée assez traditionnelles.
Le nez est impressionnant, exubérant, sur les petits fruits noirs écrasés, avec ici aussi une touche un peu végétale et florale. L'impression qu'on est parti à la cueillette du cassis, des framboises, des groseilles et des mûres dans le jardin, qu'on a tout mis dans un sac plastique et que, en rentrant dans la cuisine, on constate que tous ces petits fruits ont été réduits en purée au fond du sac. La cueillette n'a pas été faite avec beaucoup de soins, il y a aussi des feuilles de framboisier et de cassissier et d'autres verdures aromatiques non identifiées. On verse un peu de poivre là-dedans et on plonge le nez dans le sac en inspirant profondément. Je pense qu'on ne serait pas très loin de l'impression vécue en passant le nez au-dessus de ce Clos Nouveau.
Si le Corbières de Dernacueillette m'évoquait beaucoup la mûre et ces petits poils apportant des notes végétales, ce serait ici plutôt le cassis et sa peau épaisse se terminant sur ces brindilles sèches qui jadis portaient la fleur. Une impression aussi qu'un peu de cette fleur est restée dans ce bouquet aromatique dont la persistance est bien florale. Mais je dois travailler mon nez sur les arômes de fleurs pour être en mesure de l'identifier plus précisément.
En bouche, là aussi, une impression de grande plénitude, d'ampleur, de volume, mais sans la moindre once d'aspérités. C'est majestueux, souple et rond, juteux et fin, malgré le très jeune âge du vin. Aromatiquement, on retrouve les mêmes sensations qu'au nez: cette alliance d'un fruit mûr très concentré et puissant (le cassis donc) et d'une touche fraîche, florale et élégante qui enveloppe le tout (et ce n'est pas du tout le poivron vert!). Le parallèle avec le Corbières de Dernacueillette est saisissant. On retrouve ici aussi une belle minéralité. La finale est fraîche, fleurie, douce et très longue, et même si le vin est beaucoup trop jeune (c'est un 2011), il est déjà d'un équilibre remarquable qui s'impose par son évidence. Je n'ose imaginer la complexité d'un tel vin dans 10 ou 20 ans...
Commentaire général: Immense. Ce n'est pas simplement le premier Bourgueil qui me séduit totalement, c'est d'abord et avant tout un très grand vin. Un OVNI dans le paysage ligérien. Je n'ai jamais eu la chance de gouter les vins des frères Foucault dont on me rabat tant les oreilles, mais je sais désormais que pour un prix 5 fois plus faible, il y a du Grand Vin dans la Loire. Je prend les paris: dans quelques années, quand on goutera ces vins à parfaite maturité (le premier millésime est 2007), ce Clos Nouveau deviendra une légende.
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