Camille Loye - Arbois Saint Paul 1987

Quand j'étais étudiant, j'avais un pote qui était originaire de Besançon (Laurent, si un jour tu tombes sur ce commentaire...) et qui était un grand amateur de vins du Jura. Il faisait un truc d'excentrique pour moi à l'époque: il prenait des "apéros jurassiens". Alors que moi, en bon auvergnat, j'étais sur le sauciflard, le Saint-Nec' et le gros rouge, lui il prenait des petites bouteilles de forme étrange qu'il carafait et secouait énergiquement. Se dégageait de la carafe des notes enivrantes et très puissantes de noix et de vin cuit. Puis il sortait son Comté de 2 ans, avec des petits cristaux de sels à l'intérieur, un pot de moutarde et ce fou, il trempait son comté dans la moutarde en buvant cet étrange flacon... 

Au début je trouvais ça bizarre. Non pas que j'aimais pas, mais c'était trop inconnu pour moi, j'étais submergé d'arômes et de saveurs trop exotiques pour mon palais. Puis le temps a passé. Ces apéros m'ont manqué. Pour leur convivialité et le moment d'amitié partagé certes, mais aussi ils m'ont manqué gustativement. J'avais envie de retrouver ces parfums. Je me suis mis à acheter des vins jaunes et des Savagnin du Jura. J'en suis même devenu accro. C'étaient les seuls vins blancs que j'achetais. Laurent continuait à venir nous voir de temps en temps. Il m'apportait souvent des bouteilles du Jura. Des "petits vins" que je négligeais ou encavais, avec la morgue de l'arrogance, préférant lui sortir les gros vins jaunes de Tissot, Berthet Bondet, etc... 

Puis on s'est malheureusement perdus de vue. C'était il y a bientôt 10 ans. J'avais toujours ces petits vins dans ma cave qui attendaient patiemment que je sois enfin prêt à les boire. Il y a 4 ou 5 ans de ça, j'ai ainsi ouvert un superbe chardonnay du domaine Pignier. Puis quelques mois après, alors que je pensais ouvrir le même vin, il s'agissait en fait d'un rouge. Un Poulsard. Ce fut une révélation. Et le début d'une passion débordante pour les vins du Jura qui m'ont conduit l'été passé à arpenter le vignoble jurassien. Donc grâce à toi, Laurent, j'ai découvert les vins d'Overnoy, de Ganevat, de Camille Loye, de Bornard, et de tant d'autres, tant ce vignoble est dynamique et incroyablement riche. Mon goût pour les vins naturels vient aussi de là: donc merci l'ami, tu avais un gros coup d'avance sur moi! Et sans toi, peut-être que je ne serai pas en train de planter des vignes avec le projet de faire mon vin en réhabilitant un terroir totalement oublié...

Cette longue introduction pour parler de ce vin superbe qui m'a procuré une émotion folle. J'avais déjà pris énormément de plaisir sur les rouges des millésimes 87, 88, 89 et 90 de Camille Loye, mais là, sur ce chardonnay, j'ai atteint une dimension nirvanesque supérieure...

  
La robe est jaune d'or profonde et intense. A l'aération, la robe semble s'intensifier davantage, et prend des nuances ambrées. 

Au premier nez, je prends peur... Aïe... Beaucoup de réduction, ça sent très fort le vin oxydé. Je me dis que tout est perdu. 

Je porte le verre à ma bouche, sans rien en attendre, et là, c'est le miracle! Sublime toucher de bouche, sans aucune lourdeur. L'équilibre parfait entre le gras et l'acidité. Aromatiquement, c'est hyper complexe et profond: la noisette, le curry, le curcuma, le foin, l'encaustique, ... C'est inépuisable. Je remets alors le nez au-dessus du verre et, même si le nez est clairement dans un registre plus riche que la bouche qui est d'une immense finesse, j'y retrouve maintenant la complexité de la bouche. Je pensais le vin mort et enterré, il a ressuscité dans ma bouche me procurant un plaisir et une émotion immenses! 

Commentaire général: Exceptionnel. C'est vraiment grandiose. Le plus grand chardonnay qu'il m'ait été donné de boire à ce jour. 

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